La situation en Bolivie est toujours
tendue, il y a de nombreuses manifestations, les commerces sont fermés, les transports sont en grèves... mais il reste néanmoins possible de visiter une partie du sud du pays
en participant à une excursion au départ de San Pedro de Atacama, ce que je
choisis de faire.
Réveil difficile à 5h du matin, je monte à
bord du minibus qui fait le tour des hôtels et auberges de jeunesse pour
ramasser les participants au tour. Il nous amène jusqu'au poste frontière
chilien, puis aux douanes, puis au poste frontière bolivien, c’est long !!! Une
fois toutes les formalités passées, nous rencontrons Juan Carlos, notre guide
bolivien qui nous attend dans son 4x4.
Nous chargeons les bagages sur le toit du
véhicule, et nous voici partis pour 4 jours sur les pistes du sud de la
Bolivie. Oui, les pistes, pas de routes bitumées ici, c'est une des bonnes
raisons pour lesquelles il est d'ailleurs déconseillé de s'y aventurer sans un
guide.
Nous parcourons les premiers kilomètres
dans l’espace immense de l’altiplano bolivien. Dans cette partie aride de la
cordillère des Andes, pas grand chose ne pousse à part des buissons, nous
sommes à 3000 mètres d’altitude, l’air est froid mais le ciel est ensoleillé.
On aperçoit des vigognes de temps en temps, et, même si je n’en ai pas la
preuve photographique, je vous jure que j’ai aussi vu un nandou !
Notre faisons un premier arrêt à la Laguna
Blanca, un joli lac aux eaux d’un blanc laiteux dû à la présence de borax. Et
juste à côté se trouve la Laguna Verde, un lac aux couleurs vertes dues à la
présence de cuivre. Nous poursuivons en passant devant las Rocas de Dali, des
grosses pierres curieusement parsemées dans le désert évoquant les décors de
certaines peinture de Salvador Dali. Et nous nous arrêtons à la source chaude
de Polques où un espace de baignade est aménagé. L’idée de m’y réchauffer est
tentante mais cela impliquerait de devoir me déshabiller dans le froid et de me
sécher à la sortie du bain toujours dans ce même froid, donc non, je me
contente d’admirer le paysage.
Non loin de là se trouve un autre
exemple de l’activité géothermique de la région : el Sol de Mañana (le
soleil du matin). C’est un champs de geysers, de mares de boues bouillonnantes
et de fumerolles à l’odeur de soufre bien prononcée. Je m’approche prudemment
pour observer tout ça et j’évite de me retrouver face aux panaches de fumées
que j’imagine très bien capables de me dissoudre instantanément tellement
chauds et acides ils doivent être !!!
Des belles étendues d’eau, j’en ai vu pas
mal depuis le début de mon voyage, j’en ai vraiment pris plein les yeux avec la
lagune de Bacalar, le Rio Celeste du Costa Rica, les lacs roses du Yucatan, le
lac Titicaca, la Laguna Blanca de ce matin...
Mais si je ne devais en retenir qu’une, ce
serait sans hésiter celle que j’ai maintenant sous les yeux : La Laguna
Colorada. De l’eau d’un rouge flamboyant, des îlots
blancs, des centaines de flamants roses dans un immense espace sauvage et
préservé. J’ai rarement été aussi ému face à tant de beauté, et je ne me suis
jamais autant senti privilégié d’avoir la chance de voir un tel spectacle de
mes propres yeux.
Après les émerveillements de la première
journée, un bon repas préparé par notre guide, et une nuit dans une auberge du
village de Villamar, nous reprenons notre excursion vers le nord à bord de notre
4x4. Au son de la musique bolivienne que nous fait écouter Juan Carlos, je
regarde le paysage défiler. Je vois aussi les autres groupes rouler à vive
allure comme nous et soulever des gros nuages de poussière, ce qui est
d’ailleurs assez embêtant lorsqu’on est un peu trop proche. Attention à bien
fermer les fenêtres, la poussière, elle s’infiltre partout !
Aujourd’hui, nous nous baladons parmi les
différentes formations rocheuses de la Valle de las Rocas qui évoquent (plus ou
moins) différentes formes : un chameau, une coupe de champagne, la coupe du
monde de football, le Sphynx... Puis nous longeons le Cañon del Anaconda depuis
son sommet qui nous donne un vertigineux panorama.
Nous faisons ensuite une halte à la Laguna
Negra, un petit lac aux eaux très sombres se trouvant dans une sorte de mini
vallée où de mini cours d’eau ruissellent sur des tapis de mousse et d’herbe où
paissent de paisibles lamas. Je m’y promène et fait une macabre découverte : un
lama mort !
Au vu de l’état avancé de décomposition du
cadavre (il ne reste que des os et de la fourrure), et au vu des conditions
climatiques de la région, je daterai la mort à au moins 8 semaines. Quant à la
cause du décès, chute mortelle, lamacide, maladie ? Mystère. J’attend le
rapport de Bones.
Et maintenant Julaca, un village
quasi abandonné, perdu au milieu du désert, traversé par une voie ferrée, on se
croirait en plein far west americain. La plupart des habitations sont en
ruines, seul un bar où viennent se désaltérer les touristes subsiste. Persuadé
que plus aucun train ne passe ici, je joue à l’équilibriste sur les rails,
alors qu’en fait il y a bien encore des trains qui circulent, aucun doute, je
l’ai vu de mes propres yeux.
Nous atteignons notre destination finale
de la journée : un hôtel de sel !
Bon, il n’est pas totalement construit en
sel, mais on trouve aussi du mobilier et de la décoration fait avec du sel,
c’est amusant. Le sel, c’est un peu la spécialité de la région on va dire, car
l’endroit que nous allons visiter demain est un immense désert de sel, c’est le
Salar d’Uyuni.
Allez c’est l’heure d’une petite
parenthèse historico-geologico-chimico-economico-politique.
Il y a 14000 ans, à cet endroit situé à
3600 mètres d’altitude, se trouvait un immense lac salé, le lac Minchin. Sous
l’effet de l’évaporation, le lac s’est asséché et aujourd’hui, il ne reste
que le sel qui par endroit forme une croûte allant jusqu’à 120 mètres
d’épaisseur. Ce sel est composé majoritairement de chlorure de sodium, mais il
contient aussi d’autres minéraux comme le potassium, le magnésium, le bore et
surtout le lithium. Le lithium est un composant essentiel des batteries
électriques, et sa présence ici en grande quantité représente une opportunité
économique très importante pour la Bolivie qui est encore un des pays les plus
pauvres du monde. On estime à 5,5 millions de tonnes, la quantité de lithium
contenue dans le Salar d’Uyuni. L’exploitation, qui n’en est encore qu’à ses
débuts, de cet « or blanc » est donc un sujet économique, écologique et politique
très sensible. Fin de la parenthèse.
Pour donner une idée de l'immensité de cet endroit, voici deux photos satellite.
Je vais donc découvrir ce désert de sel
demain, ce qui sera le point culminant de cette excursion. J’en suis tout
excité ! Un rapide repas, une bonne douche chaude et au lit. Réveil prévu à 4h
afin d’être déjà sur le Salar pour assister au lever du soleil.
Et là, c’est le drame.
Vers 1h30, je me réveille brusquement, je
ne me sens pas bien, j’ai chaud, j’ai froid, j’ai la nausée... et je finis par
vomir. Une fois, deux fois, trois fois. Je vois les heures passer et je me sens
toujours aussi mal. Mais pourquoi ?!? Pourquoi maintenant !!??
4h, c’est le moment de se préparer et de
partir, j’explique à Juan Carlos comment je me sens, il me répond que pour le
moment on ne peut évidemment rien faire à part suivre le programme prévu, mais
si je ne vais pas mieux plus tard, il pourra m’emmener à l’hôpital. J’espère
bien que ça ne sera pas nécessaire.
Nous prenons donc la route pour le salar,
il fait encore nuit noire et on ne voit pas bien loin. Je ne me rend d’ailleurs
même pas bien compte que nous avons roulé dessus depuis plusieurs dizaines de
minutes lorsque nous arrivons à notre destination, l’île d’Incahuasi. Cet
endroit est un des rares où on peut trouver de la vie sur le salar, son sol est
constitué de corail fossilisé et des cactus géants y poussent. L’île forme une
colline et on nous invite à grimper jusque son sommet avant le lever du soleil.
Je suis toujours nauséeux mais je tiens debout et je ne veux pas que ce moment
soit totalement gâché, alors je me lance dans l’ascension... mais tout
doucement. Il y a un chemin avec des petits escaliers serpentant entre les
cactus géants, je monte les marches une à une. Il fait froid et je grelotte un
peu. Au fur à mesure que je monte, je sens des courants d’air et le froid qui s’intensifie,
j’ai maintenant les jambes qui tremblent et je me sens encore plus nauséeux,
mais non s'il vous plait, je ne vais quand même pas souiller cet endroit avec
mon vomi !? Par "chance", une poubelle est installée à quelques
mètres de l'endroit où je me trouve... bref, je vous passe les détails. Il y a
encore pas mal à monter avant d'atteindre le sommet, je vois les premières
lueurs du soleil à l'horizon, je n'arriverai jamais en haut à temps pour le
lever du soleil. Je décide donc de m'arrêter là où la vue sera suffisamment dégagée
pour observer l'aurore. Je vois l'horizon s'illuminer et le désert de sel
qui apparaît de plus en plus clair. Les cactus qui m'entourent se
font de plus en plus présent et malgré mon mauvais état, je savoure ce
moment... Mais pas trop longtemps, c'est que j'ai vraiment froid et je me sens
de plus en plus fébrile. Je rebrousse chemin jusqu'au 4x4 où un petit déjeuner
m'attend. Je mange ce que je peux et je prend les médicaments que Juan Carlos a
obtenu par un autre guide.
Nous quittons l'île et partons avec le 4x4
nous perdre au milieu du désert pour une séance photo. C'est un grand classique
des excursions au Salar d'Uyuni, l'espace qui parait presque infini offre la
possibilité de faire des photos rigolotes en jouant avec les perspectives. Je
vais un peu mieux alors j'en profite et je m'y donne à cœur joie. Mais le répit
est de courte durée, et je me sens mal à nouveau, je m'allonge sur le sol et je
finis par m'endormir pendant une vingtaine de minutes.
Les shooting photos finis pour tous les
participants à l'excursion, nous reprenons la route et quittons le salar pour
aller jusqu'à la ville d'Uyuni. Mon état ne s'améliorant pas, Juan Carlos
m'amène dans une clinique où je suis rapidement pris en charge. Après un examen
médical et une prise de sang, le diagnostic arrive : au vu de l'augmentation de
mes globules blancs et la rapidité avec laquelle je suis tombé malade, il est
fort probable que ce soit une intoxication alimentaire. N'ayant pu boire et
manger correctement, je suis aussi très déshydraté. On décide donc de me
réhydrater et de m'administrer des antibiotiques via une perfusion. Problème,
du fait de la déshydratation, mes veines sont difficiles à trouver pour
l'infirmière et ce n'est pas moins de sept fois qu'elle doit me piquer pour me
poser la perfusion, j'ai tout gagner ! 😭
3 heures plus tard, je suis remis sur
pied, je peux quitter la clinique. Juan Carlos me récupère et nous reprenons la
route pour retourner au Chili. Nous faisons une escale à mi chemin pour la nuit, et nous arrivons à la frontière le lendemain matin. Ce passage en Bolivie aura
été court mais bien riche en découvertes, en émerveillements, en émotions et en
surprises ! Je n'ai qu'une envie, c'est d'y retourner un jour pour y passer
plus de temps et découvrir davantage ce pays.